Diététique chinoise

L’usine énergétique

« Que l’aliment soit ta seule médecine. »

Hippocrate

Je vous propose une introduction aux principes généraux sur lesquels la diététique chinoise repose, selon ce que j’en comprends et en conçois. Il n’y a ici pas de règles strictes, pas de dogme, il n’y a qu’indications générales qui doivent garder la souplesse de s’adapter aux circonstances, aux envies, aux produits disponibles. La modération est un pilier de la pensée chinoise, mais il faut modérer sa modération ! Aussi prenez ce que vous avez à prendre dans ce qui suit, mais nul besoin de revenir à cette liste à chaque fois que vous passez dans la cuisine. Je vous résume brièvement les conseils donnés à la fin de cet article.

La marmite

Commençons par une description sommaire concernant la vision chinoise de la digestion. Nous ne rentrerons pas dans les détails afin de ne pas créer de confusion, il s’agit ici simplement de donner une idée. Toute « nourriture » que vous prenez de votre environnement, qu’il s’agisse d’un aliment, d’un liquide, d’une respiration, d’une information, d’un événement,… doit être intégrée par le corps et transformée pour lui devenir utile : notre corps intègre et transforme en permanence, pour répondre à des besoins qui lui sont propres. Pour ce faire, l’organisme dispose d’une « usine énergétique » et de 3 « Foyers » : le Foyer Supérieur qui correspond grosso modo à la poitrine (et à la tête qui reçoit les essences les plus « pures »), le Foyer Moyen qui correspond lui à la zone entre le diaphragme et le nombril, et le Foyer Inférieur qui correspond à la zone située entre le nombril et les organes génitaux.

On peut se représenter cette usine énergétique comme une marmite remplie d’eau, posée au-dessus d’un feu de bois et qui dégage de la vapeur (comme toute image, celle-ci a ses limites, encore une fois il s’agit ici de donner une idée du processus). Le Foyer Inférieur correspond à l’intensité de la flamme et à l’élimination des déchets (le lien avec la sexualité est ici hors de propos). Le Foyer Moyen correspond à la marmite avec son eau. Enfin le Foyer Supérieur correspond à la vapeur, qui représente les produits de la digestion qui sont transmis à ce Foyer pour être distribués dans tout le corps. C’est également ce Foyer qui autorise la réception des aliments quels que soit leur nature, en leur « ouvrant » le chemin.

Foyer Inférieur

L’élément qui permet la transformation est le feu : en ce qui concerne l’alimentation on parlera ainsi de feu digestif. Ce feu digestif peut être de bonne qualité ou déficient. Dans notre image ce feu correspond à l’intensité de la flamme. En quelque sorte la digestion a pour base le Foyer Inférieur qui régit le feu digestif, mais qui est aussi le garant de notre unicité, de notre nature. Il n’est pas suffisant de digérer les aliments, il faut orienter leur transformation afin de la rendre conforme au « projet de vie du corps ». Chaque organisme fera ainsi un usage d’une assiette de carottes râpées qui lui est propre.

Enfin, ce Foyer a également la charge de système d’égouts, il permet l’élimination des déchets de chaque « aliment ». On comprendra par exemple pourquoi certaines personnes particulièrement rancunières ou inflexibles souffriront de constipation, car l’évacuation des idées défectueuses ou dépassées tout comme celle des déchets est perturbée.

Cuisson et température


Prenons un exemple pour comprendre comment certains troubles digestifs peuvent venir de ou impacter ce Foyer. Le fait de cuire un aliment est une première manière de le préparer pour le système digestif car il aura déjà subit en partie son processus de transformation, il sera en quelque sorte « échauffé » pour être transformé ensuite selon le projet de vie du corps.

Considérons les crudités : elles offrent une qualité nutritive supérieure aux aliments cuits car non dégradées par la cuisson, mais, n’ayant pas subi cet échauffement, elles nécessiteront une action plus forte par le feu digestif pour être assimilées. Leur second inconvénient est qu’on les mange froides en sortant du frigo ou au mieux à température ambiante. Or le bol alimentaire pour être assimilé doit être à température proche de celle de la température du corps. Il faudra donc à l’organisme fournir un effort supplémentaire pour réchauffer ce bol alimentaire. Autrement dit on déconseillera les crudités aux personnes avec un feu digestif faible. On les gardera de préférence pour l’été, saison qui y est plus propice. Résumé : cuire un aliment et consommer chaud augmentent le potentiel digestif.

Les boissons


On comprendra aussi une mauvaise habitude courante dans certains pays : boire un verre d’eau glacée avant (ou pendant) le repas. Imaginons que vous soyez à table au restaurant vers midi : votre système digestif se prépare car le menu vous a mis en appétit. Votre système digestif est la marmite d’eau qui bout et est prête à recevoir des pâtes par exemple. Mais au lieu de pâtes vous y mettez un verre d’eau froide. Que se passera-t-il ? L’ébullition s’arrêtera et mettra du temps à revenir, en utilisant plus de combustible pour produire le feu. Comme vous aurez continué à boire ce verre d’eau jusqu’au repas, vous prolongerez ce processus jusqu’à ce les pâtes arrivent. Vous les mettez alors dans une eau qui n’est pas à température adéquate, ce qui prolongera la cuisson. Conséquence : votre corps aura besoin de beaucoup plus d’énergie pour faire cuire les pâtes, pour un résultat probablement raté.

De même, notons que le matin au saut du lit votre système digestif se réveille en même temps que vous. Selon la formule de l’un de mes enseignants, lui présenter alors en premier lieu un aliment ou une boisson sortant du frigo lui fera autant plaisir qu’à vous si l’on vous balançait un seau d’eau glacée au visage pour vous réveiller. Résumé : boire froid avant ou pendant le repas rallonge et détériore le processus digestif. De manière générale on préfèrera les boissons chaudes, d’autant plus que la température extérieure est basse.

Foyer Moyen

Considérons maintenant le Foyer Moyen : il est principalement chargé de recevoir la nourriture et de la transformer en bouillie digeste. Cette action commence au niveau de la bouche par la mastication. Les chinois reconnaissent deux types de salive : la salive parotidienne et la salive digestive. C’est de cette dernière dont il s’agit ici. Une bonne mastication permet d’imprégner les aliments de cette salive digestive et de les décomposer en une bouillie facilement assimilable. Ce processus facilitera ensuite grandement le travail de l’Estomac. Il existe une formule qui suggère de « boire ses aliments et manger ses liquides ».

Que se passe-t-il si vous avalez en mastiquant de manière insuffisante ? Vous augmentez la charge de travail de l’Estomac qui doit en conséquence augmenter son activité. Cela le fatigue et le rend également incapable d’accomplir correctement les tâches suivantes, par exemple la digestion du dessert. Pour peu que votre Estomac soit de base relativement peu performant, vous pouvez imaginer Gaston Lagaffe empilant les tâches alors que la première est à peine entamée.

Quantité de liquides


La mastication possède un autre avantage car elle produit beaucoup de salive, plusieurs centilitres au cours du repas. Cela permet donc une hydratation naturelle qui limite le besoin de boire pour atteindre l’objectif des « 2L d’eau par jour ». Il est fondamental de bien s’hydrater mais les besoins varient selon les gens. La mastication notamment d’aliments riches en eau permet de fournir au corps une bonne partie des ses besoins journaliers. Prenez le temps de bien mastiquer pendant votre repas et observez votre besoin de liquide, vous noterez qu’il est moins important et plus efficace. En effet, se forcer à boire pour remplir un objectif quantitatif quotidien peut à l’excès surcharger d’eau la marmite au détriment de l’efficacité de la cuisson et de la santé du Foyer Inférieur. Résumé : bien mâcher allège le travail digestif. Il est préférable de boire les plus grandes quantités de liquide en dehors des repas.

Faire de la place


En ce qui concerne un événement choquant ou lorsque que vous vous forcez à finir ce que vous avez en bouche, vous pourrez noter le réflexe du corps de mettre la main devant la bouche comme une représentation de son incapacité à absorber quoi que ce soit de plus à ce moment, de fermer l’accès. Il est donc important d’éviter d’arriver à un extrême ou l’Estomac est surchargé, il a besoin d’espace pour respirer. Si vous faites du feu, vous savez que pour que les bûches prennent elles ont besoin d’espace pour que l’air passe et attise la flamme. Il en est de même pour l’Estomac émotionnel : pour digérer une situation, vous avez besoin de vide dans votre esprit. Résumé : se laisser de la place pour digérer, physiquement, émotionnellement, psychologiquement et spirituellement.

Foyer Supérieur

Enfin l’alimentation est indissociable du plaisir. L’exemple le plus extrême est le processus de rejet d’un aliment dont le goût vous répugne. S’il passe quand même la barrière de l’œsophage, vous pouvez facilement imaginer la piètre qualité des produits de sa digestion. À un degré moindre, il en est de même des produits que vous mangez sans plaisir parce qu’ils sont « bons pour la santé ». « On devient ce que l’on mange », selon la formule. Et bien vous pouvez imaginer l’impact sur votre joie de vivre si vous mangez une assiette de quinoa parce qu’il y a telle ou telle vitamine alors que vous n’aimez pas le quinoa.

Le méridien de l’Estomac commence à l’œil, puis passe au nez et ensuite seulement à la bouche. Lorsque l’on vous présente un plat vous le voyez, le sentez puis le goûtez ; autrement dit la phase digestive commence avant de goûter le plat. On comprend mieux l’importance qu’accordent les restaurants gastronomiques au visuel de leur plat : une belle présentation augmente le désir de manger le plat et la qualité du produit de sa digestion.

Le contexte du repas


C’est également pour cela qu’un contexte de repas agréable et convivial vous permettra une digestion bien plus « joyeuse ». Pour peu que vous soyez quand même concentrés un minimum sur ce que vous mangez ! L’énergie suit l’intention : si votre esprit est complètement ailleurs au moment où vous mangez votre repas, nul doute que votre énergie sera ailleurs que dans votre système digestif.

Un dernier mot : bien sûr il faut prendre plaisir à manger son repas, mais attention aux excès. « Devenir ce que l’on mange » s’applique tout aussi bien à manger un délicieux et enthousiasmant repas qu’à manger gras à chaque repas ou compter chaque calorie ingérée (le repas devient alors trop mental). Si votre plaisir est de manger un moelleux au chocolat faites-le, votre corps saura en tirer le meilleur. Peut-être n’êtes vous par contre par obligés d’en manger 3 par jour 6 jours sur 7. C’est là qu’entrent en jeu la modération et le discernement.

À l’inverse si vous vous modérez trop apprenez à modérer votre modération ! La raison pour laquelle la plupart des régimes échoue et a des effets délétères est la frustration que cela crée. Les bodybuilders qui surveillent de très près leur alimentation s’autorisent régulièrement des « cheatmeals » (to cheat = tricher et meal = repas) pour relâcher un peu la pression. Si vous voulez perdre du poids, apprenez à manger mieux et à bien digérer. Ne vous frustrez pas, le résultat sera bien pire. Résumé : trouvez le plaisir dans votre assiette et à votre table. Soyez à votre repas et mangez avec votre ventre plus que votre tête.

Le contexte de l’aliment


Aucun aliment n’est intrinsèquement bon ou mauvais pour la santé. Il est bon ou mauvais pour telle ou telle personne à tel moment et dans tel contexte. Ainsi si manger une pastèque en pleine canicule pour quelqu’un dont le feu digestif n’est pas dans les chaussettes sera extrêmement bénéfique, manger une pastèque importée en plein hiver aura un impact catastrophique un jour de grand froid. La pastèque est en effet un fruit d’été, les bénéfices qu’elle apporte en cas de forte chaleur (production de liquides organiques et refroidissement du corps) ne sont pas adaptés à l’hiver. Résumé : apprenez à écouter votre corps et à lui fournir les produits qu’il peut digérer et qui sont appropriés à l’environnement dans lequel il évolue.

Résumé

  • Bien digérer permet de mincir naturellement ;
  • cuire un aliment et consommer chaud augmentent le potentiel digestif ;
  • boire froid avant ou pendant le repas rallonge et détériore le processus digestif. On préfèrera absorber les quantités les plus importantes de boissons en dehors des repas et chaudes autant que possible ;
  • bien mâcher allège le travail digestif ;
  • se laisser de la place pour digérer à tous points de vue (physiquement, émotionnellement, psychologiquement et spirituellement) ;
  • trouvez le plaisir dans votre assiette et à votre table. Soyez à votre repas et mangez avec votre ventre plus que votre tête ;
  • apprenez à écouter votre corps et à lui fournir les produits qu’il peut digérer et qui sont appropriés à l’environnement dans lequel il évolue.

Pour des informations complémentaires notamment sur votre alimentation et pour des conseils adaptés, n’hésitez pas à prendre rendez-vous.